29h12

Sous le pont des ombres essayaient de ne pas se noircir les doigts avec leurs bombes - les postillons de peinture giclaient dans toutes les directions, tâchaient les peaux ou les vêtements. Je me tenais loin, je ne voulais pas être sali par cette bave noire. Les ombres continuaient à s'agiter, sur le mur elles ne laissaient que leur nom et jamais, ici, je n'aurais pu lire le votre. Un peu plus loin d'autres ombres traçaient leurs phrases au pochoir - tout ce qu'elles prenaient pour des entailles dans le discours des tyrans, mais exploitait le même goût du choc et du vernis. J'aurais aimé être sûr que les mots lus il y a quelques heures, ces mots que j'avais pris pour les vôtres, n'étaient pas ceux de ces ombres et de tous. Rien ne l'attestait - et dans cette ville et partout la langue était la même, les mots se régurgitaient d'une bouche à l'autre. J'avais peut-être lu les sentences d'une époque, des mots qu'il n'était plus possible d'attribuer à des corps. Je n'avais qu'à me taire : vous parler, me parler, tout aurait fait gicler d'autres phrases communes que j'aurais prises pour ma parole propre. 

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